Disposant d'une immense compassion et force morale je m'étais toujours opposée à l'injustice. Mon métier consistait à protéger les libertés et la dignité de mes compatriotes en réformant la loi, en rendant une Justice équitable, à promouvoir la lutte contre les forces du mal tout en veillant sur les fondements de notre démocratie et de la communauté magique. Mon rôle exigeait de fixer les limites et de veiller au respect de la loi en coopérant avec chaque département du Ministère, y compris avec la Coopération magique internationale.
Depuis la fin de la guerre, j'oeuvrais avec le Ministre de la magie afin de réformer notre monde, en veillant sur la protection des moldus, en donnant la chasse aux mages-noirs, en combattant le crime organisé et les délits de toute sorte. J'avais aussi réussi à le convaincre de la nécessité d'améliorer nos relations avec les autres créatures magiques, à faire sortir notre monde de l'obscurantisme dans lequel nous pataugions depuis des siècles. Nous avions été les premiers dans l'histoire à promouvoir une politique "humaniste", préférant la tolérance, l'intégration, le rapprochement avec les moldus et les relations pacifiques avec les centaures, les êtres de l'eau et les gobelins.
Mon travail consista à améliorer les conditions de vie de tout le monde, y compris les créatures magiques, à abolir l'esclavage et les sévices corporels, à supprimer les privilèges accordés aux sang-purs, à condamner les crimes de guerre, les crimes contre les êtres intelligents et les créatures magiques. Nous avions organisé un immense procès pour les mangemorts et les collaborateurs tout de suite après la guerre pour montrer au monde qu'un nouveau génocide nous conduirait à notre extinction. J'avais modifié les conditions de détention à Azkaban, réformer les conditions de détention préventive et la manière de conduire un procès. L'indépendance et l'impartialité de la Justice demeuraient un soucis constant.
En presque trente ans de dur labeur, mon bilan avait largement de quoi inspirer le respect. Harry, Ron et moi jouissions d'une énorme réputation, celle de héros nationaux et de protecteurs de la Liberté. Nos exploits alimentaient encore les conversations parmi les jeunes au point d'être étudié en cours d'Histoire de la magie. Après avoir reçu tous les honneurs et gravit les échelons jusqu'à la fonction suprême de Directrice de la Justice, je pensais poursuivre mon travail jusqu'à ma mort, car je m'imaginais mal prendre une retraite anticipée et rester assise chez moi à ne rien faire. Mon mariage était très solide, ma relation avec Ron et ma famille étaient toujours aussi forte tandis que mes deux bouts de choux - Rose et Hugo - avaient quitté la maison pour voler de leurs propres ailes.
Si tellement de monde me voyaient devenir le prochain Ministre de la magie, cette éventualité ne m'avait pas vraiment emballée. Pourquoi ? Parce-que je ne voulais pas que mon travail prenne le pas sur ma vie de couple et cela même si mes enfants étaient désormais en âge de se prendre en charge eux-mêmes. Rose venait de quitter la maison familiale pour prendre un appartement à Londres et je me faisais un sang d'encre pour elle et mon petit garçon. Je m'inquiétais à l'idée de les savoir dans le besoin ou dans les ennuis en sachant que leur père et leur mère seraient toujours là pour eux. Malgré tout, cela avait du bon de se retrouver de nouveau seule avec mon chéri à la maison. C'était un peu comme si nous retrouvions nos vingt ans. Hihihi !
En ce bon matin du huit septembre, je m'étais levée avant l'aube afin de préparer le petit-déjeuner et vérifier pour la sixième fois ma sacoche contenant mon agenda, mon kit d'écriture, certains dossiers et cachets officiels que j'enfermais à triple-tour dans un coffre-fort protégé par divers sortilèges magiques de haut-niveau. J'étais en train de manger mon bol de porridge en buvant mon verre de jus de citrouille lorsque mon homme fit son entrée dans la cuisine en bâillant aux corneilles et en se grattant le dos tel un ours mal léché. Après nos échanges d'amabilité et notre baiser matinal, nous prîmes notre petit-déjeuner avant de rejoindre ensemble le Ministère. Depuis le temps, mon rouquin aimait toujours plaisanter avec ses copains en déclarant qu'il n'y avait pas de meilleur aphrodisiaque que de coucher avec sa patronne sans que cela ne fusse moralement répréhensible. Quelle idée !
A midi, je disposais d'une petite heure avant de reprendre mon travail. Plutôt que de déjeuner au Ministère, j'avais éprouvé l'envie de changer un peu d'air en prenant mon repas au Chaudron Baveur. Cela me permettait de voir du monde, des voyageurs en transit et de me laisser la possibilité de faire un petit tour sur le Chemin de traverse. Depuis quelques-temps, mon attention était de plus en plus attirée par ces fichus épouvantards qui rendaient le travail du Ministère plus compliqué qu'à l'accoutumée. J'avais aussi en ligne de mire ce Monsieur Fitzgerald qui avait accepté de coopérer avec la Justice, ce qui lui avait évité - pour le moment - un mandat d'arrêt et un procès en bonne et due forme. Car évidemment, je ne comptais pas laisser cet individu se promener librement et poursuivre ses expériences illégales sans surveillance après avoir commis et admis deux infractions majeures, mais nous y reviendrons...
Après avoir été accueillie chaleureusement par le gérant de l'établissement, je pris une table un peu en solitaire afin de pouvoir déjeuner en attirant le moins possible l'attention de la clientèle. J'avais commandé une bierraubeurre avec un peu de gingembre, un bol de soupe suivis de quelques tranches de gigot d'agneau, de pommes de terre rissolées et de petits pois avec des carottes. Malheureusement, j'avais la mauvaise habitude de lire ou de travailler en même temps pour être plus efficace. Combien de fois avais-je été surprise par ma puissance de concentration au point d'en oublier de manger, hm !? Cette fois-ci, je prenais des notes sur un carnet tout en jetant de temps en temps un coup d'oeil sur mon agenda. Comprenez qu'avec un esprit aussi brillant que le mien, avoir des idées étaient chose monnaie-courante et en dépit de mon exceptionnel talent de mémorisation, mon désir de perfection dans mon travail l'emportait très souvent sur mon appétit.
J'étais vêtue d'un jean, d'un pull mauve et d'une paire de claquettes en cuir brun. Mes cheveux étaient toujours aussi longs et ébouriffés, mais surmonté d'une grosse paire de lunettes de soleil. Avec un peu de fond de teint, quelques coups de crayon, un peu de mascara et de far à paupières rose, mon maquillage apparaissait comme naturel, car je souhaitais être remarquée avant tout pour ma personnalité avant mon physique. Quant aux accessoires, je ne portais aucun autre bijou de valeur en dehors de mon alliance et de ma bague de fiançailles.
Plongée dans mes pensées et mon écriture, je n'avais pas remarqué la présence d'un jeune homme vêtu d'une vieille veste en laine beige, d'une chemise blanche, d'un pantalon noir, de bretelles rouges foncés et d'un noeud papillon rouge. Il avait aussi l'air grand, très mince, avec le visage blême et les traits creusés. En le regardant bien, on aurait pu croire que cet homme portait un lourd fardeau sur les épaules. Peut-être qu'il était malade ou qu'il avait des ennuis quelconque ?
« - Excusez moi… Madame Weasley ? Je pourrais vous demander un auto… un autographe s’il vous plait ? », demanda Matthew en bégayant un peu sous l’effet du stress.
Ce fut du moins ce que je m'étais dit lorsque mon joli minois croisa son regard plutôt timide. Il ne me fallut guère plus d'un instant pour relever ces détails et me faire une idée du genre d'individu auquel j'avais affaire. Malgré tout, il fallait rester prudente et ne pas faire dans les généralités ou se laisser duper aussi facilement. En face de moi, je remarquais enfin mon plat qui était tiède, presque froid et à moitié entamé. Zut ! J'en avais oublié mon repas et un coup d'oeil sur ma montre me rappela qu'il ne me restait qu'un petit quart d'heures avant de regagner le Ministère !
Le jeune homme portait dans ses mains un petit carnet accompagné d'un stylo bille. Tiens... était-il journaliste à la Gazette du sorcier ou au Chicaneur, le "journal" publié par le père de mon amie Luna ? Mes sourcils se froncèrent aussitôt très légèrement... Ah non ! Pas un journaliste ! S'il était question de m'interroger sur ces maudits épouvantards ou sur d'autres dossiers en cours, ma présence en ces lieux risquait fort de prendre une fin plus rapide que prévu ! Toisant aussitôt l'individu vêtu de vêtements un peu usagé avec une légère appréhension dissimulée derrière ma barrière mentale et mon air neutre, je me demandais si son désir d'obtenir un autographe était un subterfuge de journaliste pour me prendre à défaut ou si j'avais simplement affaire à un simple citoyen.
«- C’est un grand honneur pour moi de vous rencontrer », dit le jeune homme en se reprenant un peu.
« Je vous dérange pas au moins ? »Du coup, après avoir prit une longue inspiration, je finis par plonger mon regard dans celui du jeune homme qui semblait encore plus effrayé à l'idée de me déranger ou de me faire une mauvaise impression. Hm... J'avais plutôt intérêt à sourire un peu si je voulais le mettre un peu plus en confiance. De toute façon, j'étais une occlumens et une légilimens de talent et je ne craignais rien dans un lieu pareil.
"- Bonjour Monsieur... Eh bien, je dirais que cela dépend si vous êtes ou non un journaliste. Malheureusement, je n'ai rien de plus à déclarer que ce que j'ai déjà dit à vos confrères ce matin, au Ministère ", fis-je sur un ton neutre, en observant un instant mon vis-à-vis en silence afin de noter ses réactions.
"Eh bien asseyez-vous, je vous en prie. Tout le plaisir est pour moi. Puis-je vous offrir quelque-chose à boire ou à grignoter ?", lui demandais-je avec perplexité, mais avec un léger sourire.
D'un geste de la main, je lui demandais de me confier son carnet et son stylo afin que je puisse lui donner son autographe. C'était l'occasion rêvée de lui demander son nom puisqu'il n'avait pas cru bon de se présenter.
"Hm... et vous êtes, cher Monsieur ?", fis-je sur un ton interrogatif et un air imperturbable, emprunt d'une certaine gravité.
J'ignorais si ce Monsieur était réellement l'un de mes admirateurs. Ses paroles, son sourire et son attitude ne m'en avait pas appris davantage. Journaliste ou pas, après avoir signé son carnet et fit en sorte de lui rendre son bien, je pris rapidement mes précautions en rangeant mes affaires dans ma sacoche. Il ne me restait plus qu'à attendre qu'il ait envie de relancer la conversation. Autrement, ce serait à moi d'ajouter mon grain de sel...